Blog de Yvan Tricart

sondage insécurité

Vendredi 13 aurait-il  porté malchance à Nicolas Sarkozy ?

record de descente dans les sondages : - 50 % en une semaine.
Le vendredi 13 août, le journal Marianne publie le résultat d’un sondage CSA sur la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. La claque est monumentale. Les deux tiers de la population, sondée par « Marianne », jugent inefficace la politique sécuritaire menée par Nicolas Sarkozy depuis huit ans, au ministère de l'intérieur puis à la tête de l'Etat. Marianne titre en première page de son journal : « Insécurité : 70% des Français lâchent Nicolas Sarkozy. »

L’auteur de l’article du journal Maurice Szafran commente le sondage CSA :

« Une grande majorité de Français sont convaincus que les insécurités et les incivilités ne cessent de s’accroître : 69 % d’entre eux (contre 27 %) estiment désormais – voilà le principal enseignement de cette étude d’opinion – que l’ex-ministre de l’Intérieur Sarkozy et que l’actuel président de la République Sarkozy sont directement responsables de cette dégradation puisqu’en charge de ces dossiers, aux plus hauts niveaux de l’Etat, depuis huit ans déjà. Un long bail qui, selon les Français, aurait dû aboutir à des résultats et à des améliorations. »

Une semaine plus tôt : Sécurité, les annonces de la majorité plébicitées

Le jeudi 5 août le Figaro publiait les résultats d’un sondage IFOP sur le même sujet, la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy : plus de 80% des français sont favorables aux trois mesures fortes des annonces de Nicolas Sarkozy dont le retrait de la nationalité française aux ressortissants d’origine étrangère coupable de polygamie, ou d’incitation à l’excision.

Le journal Le Figaro aura comme grand titre en première page : « Sécurité : les annonces de la majorité plébicitées »

La journaliste du Figaro, Judith Waintraub, commentera les résultats du sondage Ifop : « Carton plein Nicolas Sarkozy. « Que ce soient les mesures annoncées à Grenoble par le président contre ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre, celles présentées par Brice Hortefeux sur les camps de Roms ou suggérées par le député UMP Éric Ciotti contre les parents de mineurs délinquants: les Français les soutiennent, et dans une proportion très large, selon notre sondage Ifop. »

Les sondages se suivent mais ne se ressemblent pas ?

Comment peut-on expliquer cette chute historique entre les résultats de deux sondages à une semaine d’intervalle ? Les vacances de Nicolas Sarkozy à Cap Nègre auraient elle profitées à la lucidité des françaises ? Le tollé de réactions autant en France qu’à l’étranger qui a suivi les annonces du gouvernement aura il finalement suscité un approfondissement de la réflexion des français ?

Un article AFP écrit par Nadège PULJAK paru le jour même que la publication du sondage CSA-Marianne nuance l’objectivité des sondages. La coïncidence de la parution de cet article le même jour  que les résultats du sondage CSA-Marianne sème le doute sur l’intention de l’auteur. Mais cet article propose des explications intéressantes sur les problèmes d’objectivité d’un sondage. On aurait aimé avoir eu à disposition une semaine plus tôt à AFP un tel article pour amortir l’effet désastreux du sondage IFOP Figaro qui laisse des français l’impression amer d’un peuple xénophobe qui aurait vite trahi ses principes républicains sous prétexte d’insécurité.

Une explication à point nommée ?

Nadège PULJAK interroge en substance Jean-Daniel Lévy (CSA) et Jérôme Fourquet (Ifop).

sondage "Tout dépend de la formulation des questions", explique M. Lévy qui juge même "complémentaires" les enquêtes. "On a passé beaucoup de temps à réfléchir à la formulation pour éviter que la réponse ne soit dans la question", ajoute-t-il.

Jérôme Fourquet de l'Ifop pense également que tout dépend de "la formulation des questions": "il faut être précis, le sujet est complexe". Pour lui, "il n'y a pas de contradiction" avec le sondage CSA/Marianne selon lequel, par exemple, une très forte majorité de Français (69%) jugent "plutôt inefficace" le bilan de sécurité du président.

S’il n’y a pas contradiction, mais complémentarité, c’est que l’analyse et les leçons à tirer des sondages est peut-être complexe, et donc appelle à une utilisation prudente. Le problème soulevé est alors dans l’abus d’utilisation du sondage, celui de IFOP-Figaro en particulier tirant du sondage (partiel et donc partial) un plébiscide des français des mesures sécuritaires annoncés par le gouvernement.

Sondage et opinion public ?

J’ai cherché à en savoir plus sur le lien entre sondage et démocratie, et trouver entre autre, cet article de Patrick Champagne, sociologue à l’INRA et au Centre de sociologie européenne : « les sondages, le vote, la démocratie » et je vous en propose cette synthèse.

« Je tiens à dire en préliminaire que je ne suis pas a priori contre les enquêtes mais que je demande seulement à voir comment elles sont faites, comment elles sont interprétées et quels usages politiques plus ou moins biaisés en sont faits ….

La pratique des sondages en politique n’est pas une pratique à proprement parler scientifique qui, à la manière des enquêtes sociologiques, essayent d’apporter une meilleure compréhension de notre système politique. C’est une simple technique qui épouse complètement les logiques et les présupposés qui sont à l’œuvre dans le champ politique de type démocratique et qui, au lieu de permettre plus de démocratie, tend à tirer le politique vers le bas. Pour le dire autrement, il s’agit en fait d’une technologie qui, loin d’observer de l’extérieur, en témoin impartial, les affrontements des hommes politiques, fait partie du jeu politique lui-même et en modifie le fonctionnement….

L’opinion publique, à l’origine, est une opinion qui, l’expression le dit, se veut publique et suppose par là le débat et la confrontation alors que l’opinion construite par les sondeurs est une addition de réponses données à un questionnaire dans un échange privé et qui ne doit d’être publique que par la décision, par les commanditaires, d’en publier ou non le résultat….

Sondage : outil au service de la démocratie ou de la démagogie ?

sarkozy_impopulaireLa démocratie, dès l’origine, est prise dans une contradiction qui est que c’est le peuple qui, en principe, est le souverain mais qu’il importe de le contrôler et de l’éduquer pour éviter les dérapages démagogiques. Si les responsables politiques sont également appelés des « dirigeants » c’est parce que justement ils sont censés diriger le peuple et pas seulement le suivre. Dans la dialectique démocratie/démagogie qui caractérise notre régime politique, les sondages sont malheureusement plus du côté de la démagogie que de la démocratie. C’est pourquoi, sans se priver complètement des indications qu’ils peuvent fournir, il faut souhaiter que les responsables politiques ne les prennent pas trop à la lettre et mettent un peu de distance entre ce que, apparemment, « les Français nous disent » à travers les sondages et ce que les hommes politiques jugent nécessaire de dire aux Français. Patrick Champagne

Je conclurai sur cette note humoristique : « Et vous, êtes vous pour ou contre les sondages ?