André Cicolella au Palais

Santé

André Cicolella sera au Palais sur Vienne

Le prix de la vérité. André Cicolella a dénoncé les dangers des solvants 3/5

Le prix de la vérité. André Cicolella a dénoncé les dangers des solvants

Spécialiste dans l’évaluation des risques sanitaires, il travaille sur les effets des éthers de glycol, ces solvants utilisés dans les peintures, colles, détergents, vernis… pour la santé humaine (malformations, stérilité…). En avril 1994, quinze jours avant le ­colloque international qu’il organise, il est licencié pour faute grave. Un 1er avril. Mais ce n’est pas une farce.

.

« Certains collègues m’avaient dit : “Tu vas avoir des problèmes.” Cela ne m’inquiétait pas plus que ça. Que cela dérange les industriels qui vendent ces produits, soit ! Mais l’enjeu de santé publique était trop important, j’étais soutenu par la communauté scientifique internationale et j’avais des financements. Et puis soudain est arrivée cette lettre recommandée m’informant de mon licenciement ! Pour “faute lourde”, qui plus est... Pour insubordination ! Tout cela pour ne pas avoir participé à une réunion convoquée à la va-vite pour un problème vieux d’un an, sans les autres chercheurs concernés.

«S'il fallait recommencer? Pas une seconde d'hésitation.»

C’est d’une violence inouïe ! Du jour au lendemain, je me suis retrouvé sans salaire. Heureusement, mes collègues suédois, américains, etc. m’ont encouragé. Je fais une première démarche juridique auprès du tribunal de grande instance au nom des droits de l’homme. Question de principe. ­J’obtiens le droit de participer au colloque, mais pas d’y parler. Je m’y rends. Ambiance électrique. Le dernier jour, le président annonce : “Je déclare le colloque terminé et demande à André Cicolella de nous rejoindre à la tribune !”

Standing ovation, tandis que la direction de l’INRS s’en va sous les huées. Sur le plan moral, c’est une forme de réintégration. Des hommes politiques de tous bords m’ont ­soutenu. Gérard Longuet, ministre de tutelle et président de la région Lorraine, a appuyé ma candidature pour que je sois intégré à l’Ineris, l’Institut national qui s’occupe des risques environnementaux. J’ai eu plus de chance que d’autres qui perdent tout.

Et s’il fallait recommencer ? Pas une seconde d’hésitation. C’est notre responsabilité de chercheurs. Cela correspond à ma personnalité, à mon éducation. Mes ­parents étaient des gens modestes, mon père avait immigré d’Italie. Pour eux, la droiture n’était pas un vain mot. Je suis un ­enfant de l’école républicaine qui transmettait cette valeur. Je reste toujours très engagé. J’ai un jour appris que j’étais devenu ce qu’on appelle aux Etats-Unis un “whistleblower”, un lanceur d’alerte. Avec d’autres, on a créé en 2000 l’association Sciences citoyennes qui regroupe ceux qui pensent que la science doit être au service de la société, et non au service d’intérêts économiques particuliers. Précision : les éthers de glycol viennent d’être classés par le règlement européen Reach substances prioritaires à éliminer en 2012. Je l’avais dit en 1994. On a perdu dix-huit ans ! »

Son livre : « Le défi des épidémies modernes. Comment sauver la Sécu en changeant le système de santé », éd. La Découverte.