contre sens du « mariage pour tous »

mariage homoSemaine après semaine, les arguments s’affrontent et se jaugent sans rendre possible un dialogue entre les partisans et les opposants au projet de loi Taubira.
Ce projet de loi repose sur un malentendu, ce qui entraine un contre sens sur le sens du mariage. Ce projet n’est pas d’abord une question sociétale, mais une question anthropologique, c’est-à-dire notre conception de l’homme et de la femme et de l’humanité en général. Viendront ensuite comme conséquence, les questions sociétales et sociales.

En d’autres termes, la question est « métapolitique », en amont de la politique.

En effet, comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi, nous n’avons jamais eu besoin de spécifier que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme tant cela relève de l’évidence. Si aujourd’hui, le mariage peut être revendiqué pour deux personnes de même sexe, c’est le signe que nous avons changé de paradigme. Nos esprits ont été formatés à un nouveau référentiel par le concept de genre, notamment le concept utilisé dans son sens subversif tel que le décrit l’américaine Judith Butler.

 

Le concept de genre, l’instrument d’une révolution anthropologique et culturelle

Plus qu’un mot, le concept de genre est l’instrument d’une révolution anthropologique et culturelle de nos sociétés en quête d’identité. Sociétés où la raison et la liberté ne s’appuient pas sur la réalité des êtres et des choses, mais sur les désirs, voire des fantasmes. Le concept de genre, dans son sens subversif, est le révélateur d’une société qui refuse le réel comme limite à ses désirs. Révolution anthropologique sur l’interchangeabilité des rôles et des fonctions et sur l’indifférenciation des sexes, au nom de l’égalité. Ce concept de genre a préparé les esprits à un nouveau paradigme subrepticement, silencieusement, mais efficacement.

La première étape est d’inventer le terme « hétérosexualité » comme analogie à l’ « homosexualité ». Cette invention remonte à la fin du XIX iè siècle. Il s’agit bien du même objectif : définir l’individu à partir de son désir sexuel, ce que quelques années plus tard, les lobbys gays nommeront l’orientation sexuelle. Entre les deux termes, seul l’objet du désir est différent : une personne de sexe différent pour l’ « hétérosexuel », une personne de même sexe pour l’ « homosexuel ».

La deuxième étape consiste à mettre en équivalence homosexualité et hétérosexualité par un débat sur les normes. Il s’agit de dénoncer la dictature de la majorité, l’hétérosexualité, en remettant en cause la société patriarcale. Ce qui revient à considérer l’’hétérosexualité comme une norme, non seulement majoritaire, mais surtout structurante de la société. Cette norme peut être remise en cause pour lui substituer d’autres normes, comme l’homosexualité. Ainsi toutes les sexualités se valent dès lors que la norme est choisie par l’individu lui-même. Aucune loi, aucune décision ne peut privilégier une norme plutôt qu’une autre.

Ainsi, et c’est la troisième étape, les féministes du genre entrainées par Judith Butler, proposent de déconstruire la société fondée sur l’altérité, c’est-à-dire sur la différence des sexes, selon le schéma homme/femme et de la reconstruire selon le modèle hétérosexuel/homosexuel. Chacun y trouvera sa place et toutes les lois devront être adoptées en se fondant sur ce nouveau référentiel.
Sexe et genre sont dissociés. L’identité de genre remplace l’identité sexuelle, de même que l’égalité des genres remplace l’égalité des sexes. L’individu ne se définit plus selon l’appropriation psychologique de son corps sexué, mais selon son orientation sexuelle. L’individu ne s’identifie plus homme ou femme, mais hétérosexuel ou homosexuel.

Conséquences

 Cette nouvelle organisation de la société réduit l’individu à sa sexualité et plus précisément à son orientation sexuelle qui expriment un aspect de son identité, mais non le tout, mais surtout relèvent de la vie privée.

 Les sujets de droits, homme et femme, sont remplacés par des sujets de droits fictifs, l’hétérosexuel et l’homosexuel.
C’est le sens des propos de Sylviane Agacinski dans une tribune du quotidien le Monde, en juin 2007 :
« On ne semble pas remarquer que la revendication du « mariage homosexuel » ou de « l’homoparentalité » n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droits qui n’ont jamais existé : les « hétérosexuels ». C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre « homosexuels et hétérosexuels » a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage, ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire, la distinction anthropologique des hommes et des femmes . »

En inventant de nouveaux concepts « couple homosexuel » et couple hétérosexuel », il est alors facile de tomber dans le piège de la comparaison des droits et de la quête d’égalité entre les deux sortes de couple et par voie de conséquence dans la fiction de droits attribués aux personnes hétérosexuelles dont seraient privées les personnes homosexuelles. Or les hétérosexuels n’ont pas de droits particuliers, puisqu’ils ne sont pas sujets de droit. Quelque soit leur orientation sexuelle, les individus sont avant tout homme ou femme. C’est bien en tant qu’homme ou femme qu’ils ont des droits et qu’ils sont acteurs dans la société, par exemple dans le mariage.

 Dans les domaines éducatifs, économiques ou professionnels, cette révolution anthropologique contribue à une vision réduite de la personne humaine et remet en cause la parité homme/femme.
Mais il est un domaine où elle signifie un contre sens majeur puisque c’est le lieu de la différence des sexes par excellence : il s’agit du mariage qui ne peut se réaliser sans l’altérité des sexes.
En effet, le mariage exprime deux aspects indissolubles : l’union de deux personnes et la filiation. Avoir un enfant n’a jamais été une obligation pour un couple marié, mais la fondation d’une famille reste une potentialité. Si bien que ces deux personnes ne peuvent être de même sexe car seuls l’homme ET la femme ensemble peuvent engendrer.
Si le mariage est protégé par la loi, ce n’est pas en premier lieu pour protéger le couple, mais c’est surtout pour protéger les enfants qui naîtront de ce couple : les inscrire dans une double filiation paternelle et maternelle et leur assurer un père qui est supposé être le mari de la mère au moment de la conception (présomption de paternité). C’est aussi leur donner un état civil vraisemblable car né d’un homme et d’une femme qui deviennent son père et sa mère.

 Cette remise en cause de l’altérité sexuelle, comme fondement du mariage contribue à dissocier procréation et éducation. Au nom de quel intérêt un adulte peut-il se prétendre « parent » alors qu’il n’a pas donné la vie ? Ou qu’il n’était pas dans une situation telle qu’il aurait pu donner la vie (c’est le cas des parents adoptifs). L’intention d’être « parent » peut-elle constituer le fondement de la filiation ?
Rien ne justifie de remettre en cause cette altérité dans le mariage, ni le désir d’enfant, ni l’obligation de toute la société de respecter le choix de vie sexuelle des adultes.

Or, le mariage révèle un rapport entre le reçu (nature) et le construit (culture).
La différence des sexes n’empêche nullement l’égalité de l’homme et la femme, elle exprime mieux que toute autre institution l’unité du genre humain, homme et femme, égaux et différents. La différence des sexes n’est donc pas une différence absolue, c’est une différence relative, relative à la procréation.

L’oublier, ce n’est pas seulement, satisfaire à une revendication de reconnaissance sociale des personnes homosexuelles, c’est déconstruire l’humanité dans sa réalité et dans toutes ses potentialités. Pour répondre à cette quête de reconnaissance, n’aurions-nous rien trouvé de mieux que le déni de la différence des sexes ? Ce serait le signe d’une pauvreté de l’intelligence et du cœur.

Elizabeth Montfort
Ancien député européen
Nouveau féminisme Européen
www.nouveaufeminisme.eu

Auteur de « De la théorie du genre au mariage de même sexe. L’effet domino. »
Ed Peuple libre, janvier 2013

Pour en savoir plus sur la théorie du genre