J.Auxiette président Transports des régions

  Localtis.info  Réforme ferroviaire : pour une gestion à la fois plus intégrée... et régionalisée

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© Matignon

Invités à se pencher sur la réforme du système ferroviaire, l'ancien ministre Jean-Louis Bianco et Jacques Auxiette, le président de la commission Transports de l'Association des régions de France, ont remis ce 22 avril au Premier ministre leurs travaux respectifs. Des recommandations précises et ramassées pour l'un, un rapport copieux et fouillé sur la vision des régions pour l'autre.

C'est l'une des propositions les plus osées du volumineux rapport Auxiette remis ce 22 avril à Jean-Marc Ayrault en présence du ministre Frédéric Cuvillier : dans le cadre du nouvel acte de décentralisation, 

Jacques Auxiette recommande que les régions aient la liberté de fixer les tarifs des trajets effectués en TER sur le territoire régional. Pour l'heure, c'est la SNCF qui en décide. "Le but est que les régions deviennent des autorités organisatrices de plein exercice. Aujourd'hui, elles n'ont aucune maîtrise de l'infrastructure ferroviaire qu'elles utilisent pour rendre le service public de transport ferroviaire de voyageurs. Le seul lien direct avec le gestionnaire d'infrastructure s'inscrit éventuellement dans le cadre des contrats de projets Etat-région (CPER). Il faut aussi qu'elles disposent de ressources fiscales à hauteur du développement de l'offre de transport, via un versement transport régional ou un dispositif de fiscalité écologique", défend le président de la région Pays de la Loire et président de la commission Transports de l'Association des régions de France (ARF).


Autre levier, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, ex-TIPP). Si les régions l'ont massivement activé, le dispositif actuel de modulation se termine en fin d'année. L'élu réclame son maintien pour continuer d'affecter ces ressources aux infrastructures.
Hors rapport, il a profité de la remise de son travail au Premier ministre pour lui rappeler que les régions ont deux milliards d'euros de commandes de matériel roulant dans les cartons pour de futurs TER à l'horizon 2020. "Il faut vite confirmer les lignes de crédit, des marchés publics sont à valider d'ici la fin de l'année." Il exige que les régions aient la propriété de ces matériels qu'elles ont intégralement financés. "A minima, les matériels roulants acquis avec une subvention à 100% des régions doivent être considérés comme des biens de reprise", tolère-t-il.
Jacques Auxiette et Jean-Louis Blanco s'accordent à dire que le patrimoine que représente les gares "appartient à la nation et doit être mis à un seul endroit". Sans forcément en changer le gestionnaire - actuellement, c'est à la fois Réseau ferré de France (RFF) et la branche de la SNCF Gares & Connexions qui ont en main le devenir des gares - leur seul et unique propriétaire deviendrait le futur gestionnaire d'infrastructure unifié (GIU). Jacques Auxiette ne cache pas que ce point ne fait pas l'unanimité.
L'élu réclame aussi plus de transparence financière dans le cadre des contrats passés pour les TER. Si les choses s'améliorent - d'ici juin prochain, chaque région disposera d'un rapport du délégataire élaboré selon les règles du Code général des collectivités, ainsi que des comptes par ligne - il reste du chemin à faire pour "normaliser et assainir les relations entre la SNCF et les régions".

Un établissement coiffant le GIU et la SNCF 

Le GIU, établissement public (les deux élus plaident pour un Epic), et la SNCF constitueraient les deux branches opérationnelles d'un nouveau dispositif coiffé par un "établissement-mère", que les deux rapporteurs dénomment "pôle public ferroviaire" (PPF). "La constitution en cours de ce GIU doit nous permettre de dépasser l'impasse opérationnelle que traverse le rail français. Car la séparation artificielle entre RFF et deux services de la SCNF a entraîné de l'opacité, de la bureaucratie et un inacceptable gaspillage du travail humain", a précisé Jean-Louis Bianco.
Une fois constitué, ce GIU conservera la propriété du réseau ferré national et sa dette afférente. "Ce GIU et le transporteur (ndlr, ou opérateur historique, c'est-à-dire la SNCF) seront rassemblés au sein d'un pôle public ferroviaire qui favorisera la cohérence opérationnelle du système." Un montage qui, selon Bianco, est plutôt bien vu à Bruxelles. Entre les deux établissements opérationnels dominera une exigence absolue d'impartialité. Ce qui donnera du grain à moudre à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), dont les responsabilités de contrôle seraient dans ce cas amenées à croître.
"Le PPF sera le bras armé du Parlement et de l'Etat en matière de mise en œuvre de la politique ferroviaire. L'Etat doit s'emparer du rôle de stratège du système ferroviaire laissé jusqu'ici à la SNCF", complète Jacques Auxiette. L'idée serait de confier à cet établissement-mère, doté d'un conseil d'administration comprenant des représentants des régions, la mainmise sur des fonctions stratégiques et globales du rail : ressources humaines, R&D et innovation, internationalisation et "Europe du rail", etc. "Il assurera la cohérence technique, économique et sociale du pôle public ferroviaire ; veillera à la cohérence des actions du GIU et du transporteur et mutualisera certaines fonctions communes." Autant de pistes qui sont désormais entre les mains du ministère des Transports, qui tranchera d'ici quelques semaines, en juin aux dires de certains experts.