le Sénat à gauche

Les Verts démontrent leur intégration progressive dans le monde des élus

LEMONDE | 26.09.11 |

Il n'était pas totalement interdit de sourire, dimanche 25 septembre au soir, en observant Cécile Duflot, radieuse, lever les bras au ciel, histoire d'afficher sa joie. Dix sénateurs, désormais, contre quatre auparavants.

 

Le Sénat a beau ne pas les faire rêver, les Verts ont donné des preuves de réalisme. En attendant de faire émerger un nouveau monde, plus conforme à leurs valeurs, ils ont eu à cœur de capitaliser sur leurs bons résultats électoraux des dernières années. "Et nous avons toujours veillé à respecter strictement la parité en plaçant les femmes en position éligible", explique un conseiller de Mme Duflot. L'honneur est donc sauf. Preuve du professionnalisme qui prévaut aujourd'hui à Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV), l'accord signé avec le PS a fait l'objet d'un soin particulier. Démarrées en décembre 2010, avec Jean-Vincent Placé côté EE-LV, et le duo François Lamy-Christophe Borgel pour le PS, les négociations se sont déroulées dans un climat inhabituellement serein.

DIVINE SURPRISE

Il faut dire que les bons résultats des écologistes aux européennes, puis aux régionales, avaient incité les socialistes à sortir de ce que Jean-Vincent Placé appelle le "rapport de forces brutal". Et l'accord a sans doute bénéficié des relations cordiales développées au plus haut niveau des deux partis, entre Martine Aubry et Cécile Duflot.

Les résultats obtenus par EE-LV sont une divine surprise pour les dirigeants, qui se désolent souvent, dans l'intimité, d'avoir en leur sein des militants opiniâtres et structurés, mais désarmés devant des campagnes électorales exigeant des qualités de rondeur qui, pensent-ils, leur font souvent défaut. Les dix sièges obtenus prouvent que les Verts savent désormais serrer les mains et, comme le dit un dirigeant d'EE-LV, "montrer qu'ils peuvent respecter des deals". Nul besoin donc, pour l'instant, de lancer une école de formation.

Ce résultat va permettre de faire aussi émerger de nouvelles personnalités chez les écologistes. M.Placé, le "Richelieu des Verts", seul écologiste tête de liste en France, déjà starisé par les propos d'Alain Marleix, chargé des élections à l'UMP, évoquant "notre Coréen national", devrait voir son poids croître. Esther Benbassa (Val-de-Marne), universitaire franco-israélienne, directrice d'études à la section des sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études, titulaire de la chaire d'histoire du judaïsme moderne, devrait y faire entendre sa voix, de même qu'André Gattolin, un proche de Daniel Cohn-Bendit, élu dans les Hauts-de-Seine.

EE-LV est déjà tendu vers la suite. L'obtention d'un groupe parlementaire requérait auparavant de franchir le seuil de quinze sénateurs. Ce seuil n'avait pas été négocié avec le PS dans l'accord électoral ; il l'a été dimanche soir au Sénat, passant désormais à dix. L'intérêt, pour les Verts, est évident: moyens financiers supérieurs, mais surtout temps de parole autonome qui permet une véritable existence politique et médiatique.

Reste le plus épineux : les négociations pour les législatives de 2012. L'accord avec les socialistes est prévu pour le 5 novembre, mais EE-LV se prépare déjà à un calendrier décalé. Les Verts réclament quatre-vingts circonscriptions réservées, une trentaine gagnables en cas de victoire de la gauche, une quinzaine en cas de défaite. Les réunions s'enchaînent depuis… neuf mois. M. Placé, qui multiplie les allers-retours avec la rue de Solférino, a déjà compris qu'en cas de désignation de François Hollande, l'union sera, comme toujours, un combat.

Anne-Sophie Mercier