Dynamisme et LGV

il n'y a aucune corrélation entre le dynamisme d'un territoire et l'arrivée d'une LGV

La scientifique Marie Delaplace affirme à propos de la LGV :"Entre chercheurs, nous sommes tous d'accord pour dire qu'elle n'a pas d'effets structurants en soi. Il n'y a rien d'automatique."

Universitaire, économiste et urbaniste, Marie Delaplace, professeur à l'université Paris-est- Marne-la-Vallée, membre de l'Institut français d'urbanisme et du Lab'Urba, est spécialiste de l'impact des LGV sur le développement local et régional.

son dernier article dans la Charente libre du 27 mars 2013

« Sud Ouest ». Une LGV a-t-elle un effet sur l'économie d'un territoire ?

Marie Delaplace. Non ! Il faut vraiment dépasser ce cliché. Entre chercheurs, nous sommes tous d'accord pour dire qu'elle n'a pas d'effets structurants en soi. Il n'y a rien d'automatique. Quand il y a un impact, c'est à chaque fois dans un contexte très particulier. Sauf exception, il n'y a aucune corrélation entre LGV et dynamisme d'un territoire.

 

Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ?

Nous avons par exemple étudié la croissance de l'emploi de 1 400 unités urbaines de plus de 9 000 habitants sur plusieurs années. Qu'elles soient desservies ou non par une LGV, ne change rien. Celles qui ont une LGV ne se détachent pas, n'évoluent pas différemment. Si elles étaient dynamiques elles le restent, et inversement. Certaines sortent du lot. Par exemple, Sablé-sur-Sarthe (72), s'est étonnamment développée. Il faut dire que c'est la ville de François Fillon, ça aide peut-être à attirer les entreprises…

Mais alors, à quoi sert une LGV ?

À aller d'un point à un autre plus rapidement. Ça améliore la qualité de vie des voyageurs. On note un petit effet sur les cadres, mais généralement, les gens ne font pas plus de trajets. Ils font plus vite des trajets qu'ils auraient faits de toute façon.

Comment expliquer, avec des conséquences positives aussi faibles, qu'autant de villes se soient battues pour avoir leur LGV ?

C'est l'effet de l'image positive forte du TGV. L'avoir sur son territoire, c'est être dans son temps, être « in », être dans la cour des grands. Sans doute parce que la première ville de province à avoir le TGV a été Lyon, qui est quand même la deuxième aire urbaine de France.

Dans une ville comme Reims par exemple, des entreprises se sont pourtant installées ?

Sauf que la plupart étaient déjà là et ont profité des locaux neufs construits autour de la gare pour se relocaliser. Dans le nouveau quartier d'affaire de Clairmarais, derrière la gare, sur 50 entreprises installées, 70 % étaient déjà sur le territoire. Dans nos études, lorsqu'on leur demande pourquoi elles se sont implantées ici, elles invoquent cette offre immobilière nouvelle. Très rarement la LGV. Et quand la LGV est citée, c'est en 2e ou 3e position dans la liste. Les zones d'activités périphériques fonctionnent souvent beaucoup moins bien, quand elles ne restent pas quasiment vides pendant des années comme à Valence, ou à Mâcon.

Y a-t-il une incidence sur le prix des logements ?

On ne constate pas de sursaut des transactions individuelles, pas plus de gens qui s'installent, pas de boum du nombre de résidences secondaires. La seule chose qui augmente, ce sont les prix de l'immobilier autour des gares. C'est un effet de rattrapage, car ces zones sont en général peu avenantes, pas rénovées. Or, l'arrivée de la LGV incite à repenser ces quartiers pour leur redonner de l'attrait.