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lu sur la Charente Libre

37 maisons fissurées à Marsac: la LGV accusée

Les riverains se sont regroupés en association. Comme leur président Francis Rullier (à droite), ils sont prêts à aller "jusqu’au bout".Une association s’est créée à Marsac. Les habitants montrent leur maison fissurée et accusent les tirs de mines du chantier LGV. Cosea se dit dans les clous. Les riverains envisagent des procédures.

"On nous dit que c’est la vétusté des maisons." Jean-Louis Wreczycki ne sait pas trop s’il doit en rire ou se fâcher. "Le problème, c’est qu’une cinquantaine de maisons, d’âge et de construction différents, dans des villages distincts de Marsac, sont toutes devenues vétustes en même temps."

Jean-Louis Wreczycki est le vice-président de l’association de "Défense des sinistrés par les travaux de la LGV Atlantique du lot 11" qui regroupe des habitants de Marsac, Vindelle, Saint-Genis-d’Hiersac, Montignac, Bignac. Et ce "temps", il le situe juste après les premiers tirs de mines sur le chantier de la ligne à grande vitesse, de l’autre côté de la crête, pourtant à 1,4 kilomètre de là.

Chez lui, tout a commencé par le dallage devant le garage. Puis les fissures ont gagné les murs, le carrelage de la cuisine. "Même la piscine est fendue."

Quelques centaines de mètres plus haut, dans son chai, Francis Rullier vient de finir de distiller. L’alambic est encore tiède et le cuvier tout neuf. "Ça m’a coûté 8 000 euros pour le refaire. Il était fendu. Les assurances ne se sont toujours pas manifestées, mais le gars de chez Vinci m’a quand même conseillé de le faire réparer parce que ça coûterait moins cher s’il fallait indemniser."

Fendu, le cuvier. Comme la maison. Depuis 1974, elle avait résisté. Fin 2012, au démarrage du chantier que l’on aperçoit à quelque 400 mètres de là, de l’autre côté des vallées, la "vétusté" a frappé.

À la même période, c’était pareil chez Annie Charenat, à l’écart du bourg de Marsac, au pied de la route de Saint-Jean-d’Angély. Des fissures au plafond. Plus grave: le carrelage de la cuisine, du couloir. "Au bout de vingt-sept ans..." Aujourd’hui, c’est le ballet des compacteurs qui inquiète. "On sent les vibrations. Il ne faudrait pas que les dégâts s’amplifient", redoute-t-elle. Les premières fissures datent donc de 2012, comme chez Christine Rimbert à Vindelle. "Nous sommes sur le même banc rocheux. Cela a secoué les maisons, c’est sûr."

Pas de doute, de bonne fois, mais démunis

Pas un n’en doute. Et tous sont probablement de bonne foi. Mais fort démunis. Quand ils ont commencé à se plaindre, à saisir les assureurs et les experts, à interpeller le constructeur, à écrire aux élus et à se regrouper, Cosea, le constructeur de la LGV, est venu poser des sismographes à chaque tir de mines pour bien démontrer "que les effets sont inférieurs aux préconisations du laboratoire spécialisé de Clermont-Ferrand", rappelle Xavier Boucher, le spécialiste de la question chez Cosea.

Et comme les maisons n’étaient pas situées dans la bande des 200 mètres autour du chantier, il n’y a pas eu de référé préventif devant la justice comme cela a été le cas pour près de 400 maisons entre Poitiers et Brossac. Pas de constat d’huissier non plus

Et c’est bien le souci des riverains. C’est ce qui en a découragé plus d’un avant ceux de Marsac. Pas de preuve, pas de relevé antérieur aux travaux. "Mon assureur m’a demandé si j’avais des photos. Je n’ai pas pour habitude de prendre mon plafond en photo", s’emporte Annie Charenat.

"Quels que soient les experts, tous nous disent que c’est la vétusté, ou les racines des arbres, ou la sécheresse, se désespère Jean-Louis Wreczycki. On a l’impression que c’est le pot de terre contre le pot de fer. Qu’ils ont renoncé à s’en prendre à un géant comme Vinci", peste le vice-président de l’association qui a multiplié les courriers aux élus, au préfet, qui a même saisi le Défenseur des droits. Les réponses se comptent sur "le" doigt d’une main. Et les sinistrés lâchent parfois la pression. Ils étaient 47 à la création; ils sont aujourd’hui une petite trentaine. Avec le sentiment de buter contre un mur, de ne pas être entendus. Abandonnés, même de leurs assureurs.

"La parole de l’un contre celle de l’autre"

Chez Cosea, Xavier Boucher en convient: "Il n’existe pas de norme en la matière. Nous avons choisi 200 mètres parce que c’est notre retour d’expérience. Lorsque l’on nous sollicite, nous effectuons des mesures. Elles ont toujours été inférieures aux préconisations." C’est, reconnaît-il "la parole de l’un contre celle de l’autre". Il arrive ainsi à concevoir "que les experts des assureurs qui ne parviennent pas à établir un lien de cause à effet bottent en touche". Difficile "sans état des leux initial". "Je comprends qu’ils soient déçus."

Dans leur maison, les riverains continuent à "mesurer les fissures qui s’agrandissent depuis les constats d’huissier". Et ils envisagent désormais "le tribunal administratif." Ce serait les premières procédures engagées contre le constructeur. "On sait que cela coûte de l’argent. On a déjà mutualisé les frais d’huissier", explique Jean-Louis Wreczycki. Autour de lui, les membres de l’association ont sorti leurs dossiers. "On ira jusqu’au bout", assurent-ils.