16 000 postes supprimés dans l’Education nationale

16 000 postes supprimés dans l’Education nationale à la rentrée 2010/2011.

Michelle Olivier, secrétaire nationale du Snuipp-FSU

La suppression de 16 000 postes dans l’Education nationale est liée au non remplacement d’un fonctionnaire partant en retraite sur deux. Et le ministère a donné aux inspecteurs et aux recteurs d’académie des pistes pour supprimer les postes : c’est sur la scolarisation dès 2 ans, sur les personnels qui ne sont pas devant élèves, sur les regroupements dans les secteurs ruraux et dans les Rased (Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté). C’est purement économique. C’est un projet qui dure depuis plusieurs années et l’Education continue à en faire les frais. Le ministère dit carrément qu’il ne veut pas diminuer les ambitions mais qu’il veut en rester là. Il n’affiche plus une véritable volonté pour l’Éducation nationale en termes de réussite pour les générations à venir. C’est par ces termes là que ça se pose. C’est le budget qui donne la ligne à suivre et c’est tout.

Qu’est-ce que cela va engendrer  ?

L’idée est de regrouper des écoles sur un seul site, ce qui permet d’économiser des postes. Quand vous regroupez cinq ou six écoles , vous faites un énorme site avec pratiquement 300 élèves, alors que pour des écoles primaires ça n’a aucun sens de faire des structures de cette taille là... Et bien on récupère un poste ici, un poste là. Ce n’est pas du tout avec une volonté pédagogique, c’est qu’en regroupant plusieurs classes on récupère des postes.( NDLR : à Limoges, le Maire vient de se féliciter d'un regroupement de deux écoles primaires et maternelles faisant un ensemble de 700 élèves et une cantine de 500 enfants , chercher l'erreur)

Il y aura donc une hausse des effectifs par classe ?

La hausse des effectifs fait effectivement partie du plan. C’est ce qu’il se passe dans les petites écoles pour garder deux classes, trois classes, et encore pas forcément. Là en regroupant, dans beaucoup d’école ça va se traduire par une hausse des effectifs, c’est évident. Quand on globalise comme ça c’est le risque.

Quel signifient ces fermetures d’écoles pour la population ?

C’est le réseau du service public d’éducation qu’on est en train d’enterrer. Nous sommes actuellement en congrès national du Snuipp (du 15 au 18 juin, NDLR). Nous avons travaillé avec toutes les sections départementales qui nous disaient « Il faut inscrire partout que l’école doit être garantie dans tous les territoires ruraux, dans tous les territoires... ». C’est un service de proximité dont on décide qu’il n’a plus lieu d’être. Tous ceux qui connaissent les petites écoles dans les petits villages, dans les bourgs, connaissent leur importance en termes de proximité, de lien à la population. A chaque fois que dans un village on ferme l’école, tout le monde dit la même chose : c’est un lieu de vie qui s’échappe. C’est un peu la fin du collectif dans le village, du lieu de rencontre, de la construction de choses en commun autour de l’école.

Quelles seront les conséquences pour les communes touchées ?

Il n’y a pas grand-chose directement. Elles n’auront plus besoin de donner les crédits pour faire fonctionner l’école. Pour une commune, l’école est un élément de la vie de la commune en temps que tel. C’est un repère pour les familles. Pour les parents jeunes qui cherchent à s’installer, l’école est un critère important dans le choix de leur installation. C’est pour la vie du village, pour l’intérêt que peut susciter une commune, pour garder une dynamique.

Que pensez-vous de la volonté du gouvernement ?

On est en train de vouloir sacrifier l’éducation de la jeunesse à venir. On en fait une gestion vraiment très sèche. On va proposer à tous nos partenaires de mener une vraie bataille pour aller contre ces mesures que nous avons découverte, alors qu’elles n’étaient pas prévues. On est sur des propositions puisqu’on est en ce moment en congrès. On va porter une résolution aujourd’hui. Trouver toutes les modalités pour dénoncer fermement et impliquer toute la communauté éducative, l’opinion publique car l’école est l’affaire de tout le monde.

Quelles seront les conséquences sur la qualité de l’enseignement ?

La suppression des postes avec les différents leviers sont un recul. On sait que, contrairement à ce que dit le ministère, plus la scolarisation est précoce pour les familles les plus défavorisées culturellement, plus c’est une chance de réussite. Supprimer des postes dans les Rased, c’est ne plus donner les moyens d’aider les élèves en difficulté. Ça veut dire les laisser face à leurs difficultés et donc les empêcher de réussir à terme. Et puis avec des effectifs plus lourds on a moins de temps parce que les programmes sont beaucoup plus lourds depuis 2008 et qu’on n’a moins de temps pour travailler au plus près des élèves, pour savoir à quel moment il ne comprend pas. Dans une classe à 28 c’est beaucoup plus difficile. Tout ceci va compliquer à la fois le métier et les possibilités d’apprentissage de certains élèves.

Concrètement que proposez-vous ?

On va proposer d’impliquer toute la communauté par des mesures le jour de la rentrée : réunir les parents, poser des affiches autour de l’école pour prévenir que les prochaines rentrées ne se passeront pas dans des conditions favorables du tout. Nous allons également prévoir une journée de grève ainsi qu’une votation citoyenne. Pour montrer que l’école est un service public, que tout le monde est conscient qu’une société qui ne donne plus à l’école la place qu’elle devrait avoir c’est un choix vraiment négatif et c’est l’avenir du pays qui est en cause. Si on ne donne pas les moyens d’une éducation forte et ambitieuse c’est un risque pour le pays tout entier. S’il y a besoin d’une intelligence, il faut donner des moyens pour que tous les élèves puissent réussir, et pas seulement l’élite qu’on sélectionnerait de plus en plus tôt dans le projet actuel. Si la riposte ne permet pas de faire changer ça, le bilan qu’on en tirera c’est que le gouvernement aura sacrifié l’ambition d’éducation de toute une génération d’enfants et c’est vraiment grave dans un pays comme le notre.