le 30 mars au Palais : vers un nouvel incinérateur ?

CONSTRUIRE UN NOUVEL INCINERATEUR A BEAUBREUIL EST-CE LA SEULE SOLUTION POUR TRAITER LES DECHETS OU EXISTE-T-IL UNE ALTERNATIVE POSSIBLE ?

Telle était la question que souhaitaient aborder les différents représentants des associations qui avaient proposé ce débat mercredi 30 mars au Palais sur Vienne.

C’est devant une salle bien remplie que pendant plus de 2h  les représentants des associations Yvan Tricart pour Barrage Nature Environnement, Thibault Turchet pour ZeroWaste, Martine Laplante pour les Amis de la Terre, Philippe Clair pour le Conseil de quartier de Beaubreuil, Didier Tescher 1er Adjoint de Rilhac, Jean Louis Pagès Conseiller Régional ont pu présenter, en s’appuyant sur les lois nouvelles, les directives européennes, les nouvelles compétences de la Région en matière de gestion des déchets,  l’alternative qu’ils proposent à la place du projet d’un nouvel incinérateur.

Pourquoi engager le débat maintenant :

L’Agglomération de Limoges ayant en 2015 lancé le débat sur le projet de construction d’un nouvel incinérateur au même endroit que l’actuel (dont la fin de vie est prévue pour 2022), il est apparu opportun aux associations concernées de faire connaître ce projet, sans attendre l’enquête publique qui ne portera alors que sur le choix retenu par les décideurs, sans pouvoir se prononcer sur les alternatives possibles.

Questions abordées :    

 -1) un incinérateur moderne est-il dangereux ?

Quelle que soit la technologie utilisée, l'incinération entraîne le rejet d'un millier de substances toxiques dans les cendres et dans l'air, sous la forme de gaz et de particules. Même si les incinérateurs sont depuis 2001 tenus de respecter une réglementation stricte qui fixe un niveau de pollution dit ''tolérable'', seuls quelques polluants (environ 30) sur plus d’un millier de substances rejetées sont surveillés, et aucune étude n'a été effectuée pour estimer le risque sanitaire du cocktail des polluants pour une population vivant sous le panache de fumée de l'incinérateur, qui respire 7 jours sur 7 et 24 h sur 24, toutes ces molécules toxiques, même celles ''aux normes'' (plomb, mercure, oxyde d'azote, particules fines, dioxines...). Tous les spécialistes consultés pensent que l'absorption permanente d'une multitude de molécules toxiques ''aux normes'' peut présenter des risques graves pour la santé humaine.

 Madame Anne-Hélène Liebert ingénieur du Génie sanitaire actuellement à l’INVS (institut de veille sanitaire) a réalisé un mémoire pour l'École Nationale de la Santé Publique pour mettre au point la « Faisabilité d'une méthode d'analyse de risques cumulés sur un secteur géographique donné à partir du cas concret de la zone industrielle Nord de la ville de Limoges (87)

La conclusion est sans appel : « À l’heure où émerge une problématique grandissante sur l’estimation des risques résultants de la co-exposition à un mélange de substances, parallèlement, apparaissent les premières limites dans la réflexion à mener, notamment en ce qui concerne la connaissance des mécanismes de toxicité des cocktails de molécules ».

Il faut donc que les recherches scientifiques, épidémiologiques ou encore toxicologiques se poursuivent, pour pouvoir répondre au mieux à cette problématique, et ainsi permettre l’évaluation des risques sanitaires … »

Le risque sanitaire résultant de l’exposition au cocktail de produits toxiques est probable, alors peut-on envisager de lancer la construction d’un nouvel incinérateur en zone urbanisée sans avoir étudié ce problème ?   Pour l’instant, personne ne peut dire aux 40 000 personnes de Beaubreuil , du Palais et de Rilhac que le cocktail ne présente pas de risque pour la santé  .

 

2) Les lois et les directives en matière de gestion de déchets ont changé et sont de plus en plus strictes, autant bien anticiper quand on a un projet, les exigences futures.

Par exemple :

-La Loi de Transition Énergétique (LTE)  votée en Août 2015 impose :
• Une augmentation de la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation sous forme de matière (recyclage, compostage, méthanisation) : 65 % en 2025 des déchets non dangereux non inertes ;
• La généralisation du tri à la source des déchets organiques d’ici 2025 “pour que chaque citoyen ait à sa disposition une solution lui permettant de ne pas jeter ses bio déchets dans les ordures ménagères résiduelles'' ;
• L’extension des consignes de tri à tous les plastiques avant 2022 avec pour objectif prioritaire le recyclage.

- Le décret du 10 juin 2015la loi prévoit que les collectivités territoriales responsables de la collecte ou du traitement des déchets ménagers et assimilés doivent définir un programme local de prévention indiquant les objectifs de réduction des quantités de déchets et les mesures mises en place pour les atteindre.

- Le Conseil Régionaldont c’est une nouvelle compétence va réaliser un plan régional de gestion des déchets en économie circulaire.

 

3) Le débat a montré que Limoges Métropole a commencé à réfléchir sur un objectif de diminution des déchets allant à l’incinérateur (appelé pudiquement centrale énergie déchets), M Jean Noël Joubert délégué de Limoges métropole chargé de la gestion des déchets l’a expliqué : avec une campagne publicitaire basée sur un mot d’ordre «  zéro déchets » et un objectif de  -15% d’ordures ménagères résiduelles allant à l’incinérateur d’ici 2020, avec des mesures concrètes, campagne pour le tri, aide à l’installation de composteurs individuels et collectifs,  installation d’un plus grand nombre de lieux de collecte,  collecte des biodéchets chez les gros producteurs… Tout cela est bien, mais aboutit à une collecte d’OMR( ordures ménagères résiduelles) qui passerait de 227 kg/hab/an à 192 kg/hab/an, un  progrès certes, mais qui nécessite la mise en place du gros incinérateur prévu et ne règle en rien le problème que nous soulevons.

 

LE PLAN B

Inverser le raisonnement

-          Partir de la réalité fine de notre poubelle, 75% de ce qui est dans une poubelle ne devrait pas atterrir à l’incinérateur, c’est soit recyclable, soit compostable

-          Se fixer un objectif d’ordure ménagère résiduelle (OMR)  à  atteindre

Nous proposons :  100kg/hab/an d’OMR

 

Comment atteindre cet objectif ?

100 kg/hab/an pour les 370 000 habitants de la Haute-Vienne cela représente 37 000 tonnes d’ordures résiduelles et non 193 kg/hab/an d’ici 2020, soit 90 000 tonnes d’OMR, comme le propose actuellement Limoges Métropole.

Ces 37 000 tonnes d’OMR restantes pourraient être traitées par une structure plus petite, par d’autres systèmes que l’incinération et surtout en dehors d’une zone urbanisée, (zone industrielle par exemple) sans risque pour la santé publique. Cette structure plus petite serait d’un coût moindre qu’une grosse usine. L’argent économisé (plusieurs dizaines de millions) servirait à la mise en place des moyens à mettre en place pour atteindre l’objectif des 100 kg/hab/an.

100 KG/HAB/AN, EST-CE RÉALISTE ?

 Dans de nombreuses villes, dans le monde, en Europe, en France et même en Haute-Vienne dans deux communautés d’agglomérations, la collecte des OMR a été très fortement réduite à près de 100 kg/hab/an et même largement en dessous comme à Trévise en Italie (ville championne dans la gestion des déchets) avec 42kg/hab/an.

En haute-vienne :  La communauté de communes de Châlus est à 135 kg/hab/an d'OMR, celle de la vallée de la Gorre à 116 kg/hab/an.

Comment cela a été possible ?

- un engagement fort des élus et du SYDED qui a permis d'obtenir une participation active des habitants ;

 - la mise en place de nombreux lieux de collecte du tri ;
- la distribution d'équipement de compostage ; 
- une campagne publique pour le tri ;

- la mise en place d'une redevance incitative avec facturation à la levée et à la pesée.  Chaque bac est maintenant équipé d'une puce lue par le camion de ramassage, personnalisant la levée. La redevance incitative comporte une partie fixe et une partie variable fonction du poids des ordures collectées.

 Le résultat est une baisse globale des ordures ménagères résiduelles collectées pour l'incinérateur de 50 %, une augmentation importante des déchets valorisables ou recyclables…

 LES PROPOSITIONS DU PLAN B

 Le Plan B propose d’utiliser toutes les possibilités qui marchent ailleurs

  1. Tri à la source
  2. Collecte en porte à porte
  3. Compostage
  4. Recyclage
  5. Réemploi, réparation et déconstruction
  6. Initiatives de prévention
  7. Incitations économiques
  8. Tri et analyse des déchets résiduels avec centre de recherche
  9. Meilleure conception des produits

Le tri à la source: il faut multiplier les points de collectes centralisés

Exemple : le verre, nous sommes en dessous de la moyenne nationale ; nous proposons d'enlever
5 kg/hab/an de verre de la poubelle verte en multipliant les points de collecte. Soit 1850 tonnes par an des OMR

Les papiers, cartons, briquettes, textiles...c'est 10kg/hab/an soit 3700 tonnes

 

 

Développer de nouvelles filières de tri

Des départements comme la Dordogne et la Charente récupèrent tous les plastiques propres et usagés (pots de yaourt…) : 15 à 20 kg/hab/an de plastiques supplémentaires. Soit 5500 kg par an à enlever des OMR

 

 

 

 

Enlever les bio déchets de la poubelle verte

Sortir les bio déchets de la poubelle verte permet un retour au sol de la matière organique ; c’est le bon sens. Ces déchets représentent une proportion importante de ce qui est envoyé à l'incinérateur (50 à 75 kg/hab/an). Alors que 6 millions d’habitants (source : http://www.ademe.fr/etat-lart-collecte-separee-gestion-proxi­mite-biodechets-partie-1-analyse-comparative) en France ont une collecte de bio déchets, en Haute-Vienne, il n’existe que le compostage individuel ; très peu d'exemples pour un immeuble ou un quartier (50 résidences sur l'Agglo sont équipées de composteurs collectifs).
Le plan B propose de suivre les orientations la Loi de Transition Energétique pour qu'en 2025, chaque citoyen ait à sa disposition une solution lui permet­tant de ne pas jeter ses bio déchets dans les ordures ménagères (allant jusqu'à la collecte à domicile).
L'objectif est d'enlever 40 kg/an/hab sur les 75 kg de bio déchets de la poubelle verte. (Soit - 14800 tonnes à sortir des OMR).

 Des agglomérations comme Lorient (200 000 habitants) collectent 40 kg/hab/an de bio déchets.

Des aides financières existent pour la mise en place de collectes au porte à porte des bio déchets et en direction des gros producteurs (d’ici 2025 une partie des petits commerces, les grandes et moyennes surfaces, la totalité des marchés, des restaurants et des établissements de restauration collective devront mettre en place un tri à la source pour traitement sur site ou collecte séparée de leurs bio déchets.)

Mettre en place une incitation économique


La loi « Grenelle I » dès 2009 prévoyait la mise en place de la redevance incitative, c'est à dire basée sur la quantité de déchets collectés...Cela permet de responsabiliser les usagers dans un objectif de réduction et d’amélioration du tri des déchets.

Au 1er janvier 2014, 11 millions d’habitants en France sont concernés par la tarification incitative. (Source ADÈME).
Les modes de tarification vont du comptage des levées d’OMR au poids des poubelles. Les effets de la mise en œuvre d’une tarification incitative ont été sensibles ; selon les collectivités, une diminution de près de 50 % des tonnages d’OMR collectés et l’augmentation de ceux collectés séparément (emballages, papiers-journaux...).
La Loi de transition énergétique se fixe l'objectif de développer la redevance incitative.

Le Ministère de l’environnement vient de rendre public le bilan des villes passées à la Redevance Incitative basée sur le volume d’ordure enlevé en lieu et place de la Taxe des ordures payée en fonction de la taille de l’appartement.

Au vu de toutes ces expériences, nous proposons la suppression de la Taxe sur les ordures ménagères et son remplacement par la redevance incitative basée sur la collecte pour obtenir une diminution de 40 % du tonnage collecté. Ce sont 34 000 tonnes qui pourraient être enlevées de l’incinérateur.

LES 100 KG/HAB/AN SONT DONC POSSIBLES ET LE CHOIX A FAIRE, C’EST MAINTENANT :

                                                                                                                

Deux solutions se présentent qui sont absolument contradictoires :


- soit l'objectif est de réduire la production de déchets à moins de 100 kg/hab /an (40 000 tonnes par an au lieu des 97000 tonnes actuelles, sans la Creuse), dans le respect de la loi Grenelle et de La Loi de transition énergétique (dans ce cas, à quoi servirait un incinérateur surdimensionné ?) ;
- soit on construit l'incinérateur pour 100 000 tonnes avec en tout ou partie des déchets de la Creuse, et ce sera en pleine zone urbanisée malgré le risque de santé publique comme proposé, à Beaubreuil, parce que personne n’en veut ailleurs (comment convaincre les gens de trier davantage ?).

Ce choix est à faire maintenant, car si l'objectif est de descendre à moins de 100 kg/hab /an, ce gisement sera trop petit pour servir de centrale de chauffe pour Beaubreuil,  Aquapolis et ESTER . Une centrale chaleur devrait être installée en remplacement de l'incinérateur actuel.
Les 40 000 tonnes de déchets ultimes seront à traiter dans un lieu à définir, par des moyens à préciser, allant de la méthanisation, enfouissement, torche à plasma (notamment pour les produits très toxiques comme les 230 tonnes par an venant de la collecte de médicaments organisée par Cyclamed) voire un petit incinérateur (hors zone urbanisée) qui restera la plus mauvaise solution en terme de rejet atmosphérique pour la santé publique.